Une autre place de la Rotonde ? (maj au 19/04/20)

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Article publié initialement le 26 avril 2019 – Mis à jour le 19 avril 2020 avec l’ajout de la modélisation 3D du projet de Paul-Gilles Cauvet en 1781 (vers le milieu de la page).


Et si la place de la Rotonde n’avait jamais existé, ou plutôt, en l’état ? Si elle avait eu une toute autre allure que celle que nous lui connaissons ? Pas simple à imaginer n’est-ce pas ? Pourtant ça aurait tout à fait pu arriver.


L’ouverture vers l’ouest :

L’aménagement de la place de la Rotonde ne s’est pas fait en un jour, et pour ne pas me répéter dans les grandes lignes des faits, je vous invite à lire ou relire l’article dédié à l’ancienne fontaine des Chevaux Marins pour vous remettre dans le bain.

Ceci fait, revenons dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. A cette période, on réfléchit sérieusement à aménager le terrain en contrebas du Cours où aucune place n’est encore présente et où le niveau du sol se trouvait plus bas que ce qu’il n’est aujourd’hui.

A l’époque, plusieurs projets furent imaginés pour cette zone qui allait alors former la nouvelle entrée de la ville. Il faudra beaucoup de temps pour que l’un d’entre eux soit retenu et que la nouvelle place voit enfin le jour.

Je ne vais pas m’attarder sur tous ces projet oubliés, je tiens surtout à en présenter deux.


1 – Le projet de Paul-Gilles Cauvet en 1781 :

Paul-Gilles Cauvet (1731-1788), aixois, était architecte décorateur. Le Larousse (1) nous apprend qu’il fut notamment chargé de travaux de décoration au Palais Royal à Paris et qu’il fut l’un des créateurs du style Louis XVI.

En ce qui concerne Aix, il tenta en 1781 d’obtenir le poste d’architecte municipal alors vacant mais échoua. Ce qui ne l’empêcha pas pour autant de présenter la même année un ambitieux projet d’aménagement pour cette nouvelle place… (2)

Dans les grandes lignes du projet qu’il proposa on retrouvait déjà en quelque sortes un avant goût du devenir des lieux, avec une place centrale ornée d’une fontaine, mais calmons nous, les points communs avec ce que l’on connait de nos jours s’arrêtent là.

Voyez par vous-même, ci-dessous, où j’ai scrupuleusement reproduit le plan de 1781 présentant le projet de Cauvet, nommé « Projet pour les entrées de la ville d’Aix par les routes de Paris, Marseille et de Martigues » :

Le plan du projet de Cauvet présenté en 1781 pour le bas du Cours (3)

Détaillons ce projet :

– La place centrale : Elle est de forme circulaire et entourée d’un fossé, lui aussi circulaire, traversable par cinq ponts. Selon le projet, elle aurait dû accueillir une fontaine surmontée d’un obélisque sculpté, haut de plusieurs mètres, couronné d’une fleur de lys et dédié à la gloire de Louis XVI. L’eau devait, une fois sortie de la fontaine, s’écouler dans quatre coquilles pour ensuite se déverser dans le bassin principal, lui aussi circulaire (4).

Le rempart est toujours visible (il ne sera détruit qu’au XIXe siècle). Cependant, sur ce plan, il est quelque peu modifié par rapport à son tracé emprunté à l’époque. Le projet laisse une impression d’ouverture de la ville sur l’ouest, ce qui n’est pourtant pas le cas. Impossible en effet de traverser cette place tout droit en partant du Cours dans le sens est-ouest car il était prévu que l’entrée dans la ville se fasse par deux portails crées pour l’occasion aux extrémités nord et sud de la place. Contrairement à ce que l’on connait de nos jours, le Cours n’aurait donc toujours pas été directement une entrée de ville et aurait, d’une certaine manière, encore été « fermé » comme c’était déjà le cas depuis le XVIIe siècle, malgré la destruction, entre temps, du rempart qui le fermait à l’ouest.

Trois routes se distinguent à l’ouest, elles vont vers Marseille, Martigues et Paris. La voie vers Martigues, dans le prolongement du Cours, devait avoir une largeur prévue d’environ 32 mètres (pour vous faire une idée, c’est à peu près la largeur de l’actuelle avenue Victor Hugo).

– Autre époque, autres besoins ! C’est ainsi que l’on voit que l’ajout de deux abreuvoirs était aussi prévu dans le projet. L’un à l’est de la route vers Paris, l’autre à l’est de celle menant à Marseille.

Deux nouvelles fontaines aux bassins de forme circulaires comme la principale, mais plus modestes en proportions, auraient aussi fait leur apparition aux angles nord-est et sud-est de la place.

Un îlot, au sud de la place, devait être une surface largement bâtie et accueillant (entre autre) des locaux pour les gardes du portail sud (des locaux pour gardes étaient aussi prévus près du portail nord).

En plus de tout ces aménagements, on remarque aussi (représentés en pointillés) divers alignements prévus pour certains immeubles au nord et à l’est. Concernant les constructions se trouvant à l’extrémité ouest du cours Mirabeau, leurs ouvertures sur seraient trouvées en direction de la place et non en direction du Cours comme c’est la cas de nos jours.


Le projet Cauvet par rapport aux tracés actuels :

Si l’on tente de superposer en transparence le plan du projet de Cauvet de 1781 (en tenant compte des alignements prévus qui y sont représentés) par rapport à une vue aérienne actuelle voici ce que cela donne :

Le projet de Cauvet superposé à la configuration actuelle de la place de la Rotonde

Le projet de Cauvet prend vie grâce à la 3D:

Cependant, Cauvet n’a jamais vu son projet se réaliser. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le mettre en forme en le modélisant, tout en respectant le plus scrupuleusement possible l’idée initiale de son architecte. J’ai réalisé cette modélisation avec le logiciel Sketchup (comme les autres) en une quinzaine / vingtaine d’heures.

Nous pouvons donc désormais observer l‘allure qu’aurait pu avoir la place de la Rotonde si le projet de Cauvet en 1781 avait été retenu.

Le résultat est visible en cliquant sur la vignette ci-dessous (utilisez votre souris ou vos doigts pour le manipuler et l’observer sous tous ces angles) :

Projet de Rotonde par Cauvet en 1781 by Damien Pachot – Aix en découvertes

Lien direct vers la page de la modélisation

Ci-dessous, une vue en perspective du projet proposé par Paul-Gilles Cauvet à partir de ma modélisation (le nord est vers le coin supérieur gauche de l’image, le cours Mirabeau est la voie partant en haut de l’image) :

Projet de l’entrée de la ville d’Aix par Paul-Gilles Cauvet en 1781
Modélisation : Damien Pachot

Ci-dessous, une vue de profil (orientée correctement avec le nord en haut et le cours Mirabeau à droite). On y retrouve le rempart et les portes traversant le centre de la place, les cinq ponts, la fontaine centrale et l’abreuvoir nord. :

Projet de l’entrée de la ville d’Aix Par Paul-Gilles Cauvet en 1781 (Le cours Mirabeau est sur la gauche) – Modélisation : Damien Pachot

Si l’on replaçait ce projet non réalisé dans la ville actuelle, voici ce que cela donnerait :

Le projet de Cauvet non retenu replacé dans la ville actuelle
Modélisation : Damien Pachot / Fond d’image : © Google Earth

Pourquoi ce projet n’a pas été réalisé ?

Je n’emploierai pas le terme de projet « abandonné », car pour que quelque chose soit abandonné, encore faut-il qu’il ait été commencé, ce qui ne fut pas le cas.

Pourtant, tout laisse à penser qu’à l’époque ce projet n’a pas déplu. Cependant, un inconvénient majeur était là : le coût de sa mise en œuvre, les finances de la ville étant déjà impactées à l’époque par le chantier de destruction de l’ancien palais des comtes de Provence qui se tenait à quelques centaines de mètres de là. A peine pensé, le projet était déjà oublié.

D’autres projets d’aménagement ont connu la même fin pour diverses raisons, ceci jusqu’à aboutir au projet retenu qui, le temps passant, a fini par modeler la place, d’abord sans fontaine, puis avec fontaine depuis 1860, pour en arriver à l’allure actuelle, celle que nous connaissons.


2 – Un autre projet sur un plan de 1787 :

Les projets qui ont été proposés pour aménager l’entrée ouest de la ville d’Aix ont été nombreux et je souhaite en évoquer un autre, presque de la même époque que celui de Cauvet, celui-ci en 1785.

Il faut avoir un bon œil pour le distinguer sur un plan de 1787 (soit deux ans après la proposition du projet) conservé à la B.N.F. (5).

Le plan a pour nom : « Plan géométral de la Ville de Marseille et de ses faubourgs, avec le projet d’agrandissement / Levé par ordre du Roi, en 1785 ; sous l’inspection de Mr. de Pierron,… ; Dédié et présenté à Monseigneur le Maréchal Prince de Beauvau,… ; Par… Roullet ; Ecrit par Dubuisson ; Gravé par L. A. Dupuis, Rue Mignon vis-a-vis l’Imprimeur du Parlement en 1787 ».

Il est composé de plusieurs feuilles sur le site de la B.N.F. et comme son titre l’indique, il représente Marseille ce qui, pour autant, ne le met pas du tout hors-sujet.

Car en observant dans l’un des coins de la feuille n°2, on retrouve la ville d’Aix, représentée d’une bien curieuse façon, avec un autre type de carrefour en sortie du Cours, jugez plutôt :

Le plan d’Aix vers 1787 avec un projet de carrefour en sortie de Cours / © B.N.F. / Gallica (5)

Voyons ce projet d’un peu plus près :

Vue rapprochée du plan du projet de 1787 / © B.N.F. / Gallica (5)

Dans l’ensemble, ce plan représentant la ville de façon très dépouillée reprend certaines idées aperçues dans le projet de Cauvet, notamment les trois artères partant d’une place située en contrebas du Cours.

Différence toutefois, la place paraît ici de taille plus réduite, n’est plus vraiment circulaire et aucune fontaine n’est visible (mais le plan est assez avare en détails). De plus, la voie située dans le prolongement du Cours se voit traversée par une autre dans un axe nord-sud.

Tandis qu’au sud-ouest on retrouve la « petite » rotonde (ce qui forme aujourd’hui l’actuelle place Anouar el Sadate), on distingue en plus au nord de celle-ci une autre place sur laquelle débouche six voies.

De ce plan, et son histoire, je ne sais rien hormis que ce projet n’a pas été réalisé.

Le plan ne possède pas d’échelle réellement utilisable et a des proportions bien à lui mais j’ai quand même essayé de le superposer à une vue actuelle pour voir, en gros, par où seraient passées les voies. Le résultat reste grossier et très imprécis mais ça donne une vague idée de leur tracés :

Le projet du plan de 1787 superposé à une vue actuelle

La place et le cours depuis 1860 :

Ces exemples, et il ne sont pas les seuls, je n’en ai choisi que deux, nous ont prouvé qu’il en faut parfois peu pour que le décor, tel que nous le voyons aujourd’hui, ait été totalement différent.

La fontaine de la Rotonde vers 1860-75 par Claude Gondran (6)

Depuis l’ajout de la fontaine à la place en 1860, rien n’a plus vraiment changé. Bien sûr, de nombreux aménagements ont été effectués, le sol s’est vu goudronné et, plus proche de nous, a connu une vaste requalification et un nouveau revêtement en 2018-19. Mais plus rien de tel que les travaux opérés aux XVIIIe et XIXe siècles.

Après le rempart qui fermait le Cours puis la fontaine des Chevaux Marins et la balustrade disparues, ont suivi le portail avec le pont qui traversait le fossé à l’entrée du Cours. Une fois le portail disparu a son tour et la place enfin aménagée à la fin du XVIIIe siècle, le Cours devenu « Mirabeau » en 1876, donna une bonne fois pour toutes et sans frontières sur le reste du monde.


Sources :
(1) Paul-Gilles Cauvet sur Larousse.fr
(2) Jean Boyer – Architecture et urbanisme à Aix-en-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles (Du Cours à Carrosses au Cours Mirabeau) 2004 – éd. Ville d’Aix-en-Provence (page 26)
(3) Plan original conservé au musée Paul Arbaud à Aix-en-Provence
Voir aussi l’étude planographique d’Aix par Jean-Paul Coste (en annexe de sa thèse « Structure urbaine et société » – 1970) Page 1213
(4) Jean Boyer – Ibid. – (plan de la fontaine visible page 27)
(5) Plan géométral de la Ville de Marseille et de ses faubourgs, avec le projet d’agrandissement / Levé par ordre du Roi, en 1785 ; sous l’inspection de Mr. de Pierron,… ; Dédié et presenté à Monseigneur le Maréchal Prince de Beauvau,… ; Par… Roullet ; Ecrit par Dubuisson ; Gravé par L. A. Dupuis, Rue Mignon vis-a-vis l’Imprimeur du Parlement en 1787 – Gallica / B.N.F.
(6) Fontaine de la Rotonde à Aix – Claude Gondran – Cliché conservé à la Bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence – Cote :
PHO. GON. (1), 11


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