L’ancien Cirque d’Aix

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Bien avant d’accueillir la fontaine monumentale qui s’y dresse depuis 1860, la place de la Rotonde a connu d’autres activités. En particulier, celles de place où avaient lieu des représentations de différentes troupes de cirques qui passaient en ville.

Mais la ville d’Aix a aussi possédé, un temps, son propre Cirque d’hiver, ouvert en 1860, à l’emplacement occupé de nos jours par l’actuelle place de Narvik.

En fin d’article, vous pourrez retrouver la recréation en 3D de ce lieu aujourd’hui disparu.

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Un cirque sur la place de la Rotonde :

La première moitié du XIXe siècle a en effet vu la célèbre place aixoise accueillir de nombreux spectacles. La presse de 1842 évoquait déjà l’existence de représentations équestres et de voltiges, manœuvres de cavalerie, luttes ou encore tournois en tout genres sur les lieux.

Ces divertissements, qui connurent un grand succès auprès du public, se déroulaient au sein d’une construction établie sur la place même de la Rotonde (1).

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1859 – Un cirque qui doit laisser sa place à une fontaine :

En septembre 1859, la construction qui accueillait le cirque, décrite alors comme une « baraque en planche » se voyait condamnée.

En effet, la construction de la fontaine de la Rotonde devait se faire et pour cela, il fallait de la place, beaucoup de place, notamment pour les fondations du bassin (2). C’est ainsi que le cirque en bois de la Rotonde, qui se trouvait là depuis au moins deux décennies, fut démoli entre fin septembre et début octobre 1859. Les travaux de la fontaine commencèrent dans la foulée (3).


1859 – Un nouveau cirque à Aix :

Est-ce en raison de la disparition du cirque établi sur la place ou non ? Toujours est-il qu’un nouveau cirque, en dur, commençait à apparaître à environ 200 mètres au sud-ouest de la place de la Rotonde, face à l’entrée de l’ancienne gare de marchandises.

Un grand projet, bien plus étudié que la simple baraque de la Rotonde, dont l’idée fut de Justin Elzeard Artaud (4).

Qui était Justin Artaud ?

Justin Artaud était négociant, il possédait de nombreuses terres du côté ouest de la place de la Rotonde.

Il fut, entre autre, le fondateur de ce qui fut considéré dans les années 1860 comme « une colonie industrielle » au quartier de la Rotonde, y établissant (entre autre) :
– une fabrique pour le peignage et le cardage de la laine,
– une usine mécanique pour les cadres et moulures,
– une huilerie de graines presse hydraulique.
– une briqueterie,
– ainsi qu’une machine à vapeur.

Tout cela ayant amené les habitants à surnommer le quartier, la « Ville Artaud » (5).

Désormais, il fallait ajouter à cela un cirque !

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L’emplacement du nouveau Cirque d’Artaud :

La parcelle de terre sur laquelle le Cirque devait être bâti n’était, à l’origine pas à Artaud, car le cadastre de 1830 indique clairement que si Artaud en possédait dans les environs, cette parcelle n°330 était un pré possédé par un certain Jacques Gaubert (6) et (6*).

Il est probable qu’Artaud ait acquit ce terrain grâce l’opération d’expropriation qui eu lieu en 1854 lors de la création de la future gare d’Aix (7).

La parcelle 330 se voyait alors coupée en deux, sa partie nord devant accueillir les infrastructures ferroviaires. Le pré, voyant désormais sa surface divisée par deux, Artaud aurait pu la racheter à Gaubert (ça n’est qu’une supposition personnelle mais c’est la raison que je trouve la plus logique).

En rouge : L’emplacement du Cirque Artaud
Plan : Archives Municipales d’Aix-en-Provence – Cotes : O1 Art35_1.1_A.M.AIX & O1 Art35_1.2_A.M.AIX

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La nouvelle salle du Cirque d’Aix :

Dès octobre 1859, les travaux à peine commencés, la presse d’alors évoquait le projet d’Artaud :

Le projet fut lancé sous la direction de l’entrepreneur aixois Jean Baptiste François Antoine Michel. Ce maçon et son entreprise n’en n’était pas à ses début à Aix, on lui devait déjà le pont des Milles bâti en 1845, la halle du marché aux bestiaux près de l’hôpital ainsi que la construction de l’orphelinat Notre-Dame en 1860.

Le futur Cirque pourrait contenir près de 2000 personnes, accueillerai des spectacles hippiques et ferrait aussi office de salle de bal, de concert ou de toutes sortes de réunions (4).

En août 1860, les travaux étaient encore en cours mais très avancés. Le chantier était sous la direction de l’entrepreneur aixois J-B Michel.

La capacité d’accueil avait été revue à la baisse passant désormais à 1800 personnes au maximum, qui s’installeraient sur les gradins, entourant une piste indiquée comme étant de grandeur convenable.

L’édifice était de forme circulaire, en dur et fermé, à la manière d’un Cirque d’hiver. Son entrée se voyait ornée de pilastre d’ordres ioniques supportant un fronton sur lequel était gravé une tête de cheval. Le toit se voyait recouvert d’un lanternon.

Peu de photos le montrent clairement et dans son entièreté, on ne fait que le deviner :

La fontaine de la Rotonde avec au second plan le cirque dont on distingue la porte principale ainsi que le lanternon
(détail d’une carte postale ancienne)

Le plafond quant à lui était orné de peintures réalisées par l’entreprise de Charles Jean Baptiste Fassetta dont trois ouvriers furent malheureusement blessés lorsqu’un échafaudage s’écroula en août 1860 et les fit chuter d’une hauteur de cinq mètres. Par chance, il n’y eu pas de blessés grave.

L’éclairage de cette vaste salle devait quant à lui être assuré par un lustre à gaz descendant du lanternon.

Le Cirque, dans son entièreté, se voyait complété par des écuries, des loges réservées aux artistes. Un café venait parfaire le tout pour abreuver les spectateurs durant les entractes (8).

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16 octobre 1860 – L’inauguration du Cirque de la Rotonde :

Après un an de travaux, le Cirque décidé par Justin Artaud et entrepris par Michel ouvrit enfin ses portes au public (9). Malgré son léger éloignement avec la place, il fut communément nommé « Cirque de la Rotonde ».

Les premiers spectacles qui se déroulèrent dans ses murs furent une série de représentations par la troupe équestre de Mr Rancy qui jouait à Marseille depuis le mois précédent.

Vue rapprochée du toit et du lanternon du cirque (en pointillés rouges)

Les années passant, en plus de spectacles équestres, les lieux accueillirent de nombreuses représentations diverses, comme des bals, des spectacles acrobatiques, musicaux où même des rassemblements d’ordre politiques.

Par la même occasion, le chemin passant au nord des lieux prit le nom de « rue du Cirque », l’actuelle rue Lapierre.

Le 29 avril 1871, le café du Cirque rouvrit ses portes après une période de rénovation suite à sa reprise par le limonadier Foa (10). Cette nouvelle version des lieux proposait la fonction de café-restaurant agrémenté d’un jardin et son nouvel exploitant en fit quelques réclames dans la presse locale :

Réclame pour le café restaurant du cirque de la Rotonde
Source : La Provence du 29 avril 1871 (page 4)

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Le déclin et la disparition du Cirque :

La raison pour laquelle le bâtiment perdit sa fonction de lieu de divertissement m’est inconnue (financière ? Rentabilité trop faible ?).

On trouve dans la presse ancienne d’août 1873 la mention de la vente d’un « grand bâtiment servant de Cirque, avec sa maison attenante servant de café » pour un prix de 8000 francs au bénéfice de Marie Elisabeth Agnès Bouteille, veuve du dénommé Jean Joseph Louis Maurice Lecoq (11).

Ce nom de Lecoq n’est pas apparu de nulle part dans la mesure où on le retrouvait mentionné comme étant propriétaire du Cirque en 1872 (12).

Justin Artaud aurait-t-il vendu le Cirque à Jean Lecoq ? Pas sûr mais pas impossible au vu des extraits de presse.

Passé cette date, la presse n’évoquait plus aucune représentation au Cirque de la Rotonde. Ces derniers s’installant désormais :
– sur la place des Prêcheurs (13),
– au marché aux bestiaux (14) (actuel emplacement du parking Pasteur),
– aux Aires de Saint-Roch (15) (rive sud de l’actuelle avenue de la République)
– sur la Place Neuve (16) (qui accueillera de 1923 à 2003 le Casino Municipal (actuel angle entre les avenues Bonaparte et Verdi)).

En 1881, la presse locale, reprenant les propos du conseil municipal du 7 mars mentionnait « l’ancien Cirque » situé à la traverse de la Brasserie (cette voie aujourd’hui disparue passait juste au sud du Cirque) (17).

En mai 1885, Justin Artaud mourut. L’article de presse mentionnant son décès (18) indiquait aussi une information capitale : le Cirque avait été transformé en usine. Son rôle de lieu de divertissement avait donc disparu.

La même année, au sud de la place de la Rotonde, se construisait une nouvelle salle de spectacle destinée à recevoir des représentations variées et notamment équestres et l’accueil de cirques, était en construction (19). Cette salle portera le nom d’Eden Théatre ou « Eden Cirque » (20) et deviendra à partir de 1911 le cinéma Kursaal (20*), dont le bâtiment fut détruit dans les années 1960.

Entouré en rouge : L’ancien cirque
Entouré en vert : la nouvelle salle de l’Eden, futur Kursaal

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La seconde vie du Cirque et sa seconde disparition :

Si les murs n’accueillaient plus de représentations, les lieux ne disparurent pas pour autant.

Un industriel du nom de Niel, fournisseur en alcools y installa par la suite un entrepôt de stockage pour sa marchandise. Il possédait alors les n° 1, 2 et 3 de la rue du Cirque.

Entête d’un document de l’industriel Niel

1912 – L’incendie du local de l’ancien Cirque :

Le 23 mai 1912 vers 17h00, au cours d’une opération de dénaturation d’alcool à l’aide d’une pompe, le tuyau se rompit, laissant s’échapper des vapeurs d’alcool qui s’enflammèrent instantanément. Niel, blessé, eu le temps de quitter le brasier mais il ne fallut très peu de temps pour que l’incendie n’accomplisse son œuvre. L’ancien Cirque qui contenait alors entre 25000 et 30000 litres d’alcool se transforma en une énorme masse de flammes, noyant le quartier dans un nuage de fumées.

Les pompiers, une fois sur place, ont vite compris qu’il ne serait pas possible de sauver le local de l’ancien Cirque, ils ont alors eu pour priorité d’assurer la protection de la manufacture d’allumettes et de la gare toute proche des lieux pour que le feu ne s’y étende pas.

Après plusieurs heures de travail, les immeubles attenants à l’ancien Cirque furent sauvés, mais pas le Cirque.

Si les murs extérieurs ont résisté à la chaleur, il n’en fut pas de même pour l’intérieur du local et de sa toiture qui furent intégralement détruits par les flammes (21). Le coût des dégâts fut estimé à 50 000 Fr d’alors (22).

En juin 1912, la presse locale publia les remerciements de Niel envers les pompiers ainsi qu’aux industriels voisins qui participèrent à l’extinction du brasier (23).

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La dernière vie des murs de l’ancien Cirque et sa disparition définitive :

Les anciens murs de ce qui fut jadis le « Cirque de la Rotonde » connurent une dernière vie dans la première moitié du XXe siècle.

L’ancien Cirque désormais devenu garage
– Photo : IGN 1930

Le bâtiment avait entre-temps changé d’apparence, la toiture au lanternon ayant laissée sa place à une autre, plus simpliste, en zigzag. Son rôle aussi : plus d’alcool, mais désormais un garage.

Vue par l’arrière de l’ancien cirque en 1950
– Photo : IGN – 1950

La façade cependant, ornée de ses colonnes et son fronton à gravure équestre avaient subsisté.

Un article de « La Provence » du 18 septembre 1961 évoqua les lieux une dernière fois avant leur disparition, dans un article illustré par un cliché représentant une partie du portail d’entrée (24).

L’article de La Provence du 18 septembre 1961 à propos du cirque et la photo de sa façade presque encore d’origine

La fin définitive du Cirque, ou du moins de ses murs, eu lieu en 1961-1962, lorsqu’il fut intégralement détruit lors de l’opération de réaménagement qu’a connu ce quartier au début des années 1960.

Ci-dessous, une comparaison des lieux entre 1930 et 1962 (même vue, même cadre) :

1930 :

L’emplacement de l’ancien cirque en 1930 (bâtiment avec toit en zigzags)

1962 :

Sur cette vue, on distingue la construction de la future tour Mirabeau, ainsi que l’aménagement de la future place de Narvik au sud de la gare de marchandises :

L’emplacement de l’ancien cirque en 1962, désormais démoli

Ci-dessous : l’incrustation de l’ancien Cirque sur une vue actuelle

En rouge en bas à gauche : L’emplacement qu’occupait le Cirque Artaud

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L’ancien cirque en 3D :

Ci-dessous, j’ai recréé l’ancien Cirque. Utilisez votre souris ou vos doigts pour déplacer le modèle.

– Sources :

(1) Le Mémorial d’Aix du 28 août 1842 (page5, colonne 4)
(2) Le Mémorial d’Aix du 11 septembre 1859 (page 2, colonne 2
(3) La Provence du 6 octobre 1859 (page 2, colonne 1)
(4) Le Mémorial d’Aix du 23 octobre 1859 (page 2, colonne 3)
(5) Le Mémorial d’Aix du 24 mai 1885 (page 2, colonne 3)
(6) Parcelle 330 sur cadastre – Archives départementales 13
(6*) Feuille L2 3P91 – Archives départementales 13
(7) Le Mémorial d’Aix du 18 juin 1854 (page 9)
(8) Le Mémorial d’Aix du 12 août 1860 (page 2, colonne 4)
(9) La Provence du 29 avril 1871 (page 4, colonne 2)
(10) Le Mémorial d’Aix du 14 octobre 1860 (page 2, colonne 3)
(11) La Provence du 18 août 1873 (page 4, colonne 4)
(12) Le Mémorial d’Aix du 21 avril 1872 (page 3, colonne 3)
(13) Le Mémorial d’Aix du 29 novembre 1874 (page 3, colonne 1)
(14) Le Mémorial d’Aix du 2 avril 1876 (page 2, colonne 2)
(15) La Provence du 25 juin 1882 (page 4, colonne 1)
(16) Le Mémorial d’Aix du 20 septembre 1894 (page 2, colonne 3)
(17) Le National du 13 mars 1881 (page 2, colonne 1)
(18) Le Mémorial d’Aix du 24 mai 1885 (page 2, colonne 3)
(19) Le Mémorial d’Aix du 25 octobre 1885 (page2, colonne 2)
(20) Le Mémorial d’Aix du 25 février 1892 (page 3, colonne 3)
(20*) Le Mémorial d’Aix du 5 octobre 1941 (page1,n colonne 2)
(21) Le National du 26 mai 1912 (page 2, colonne 5)
(22) L’Argus du 2 juin 1912 (page 341, colonne 3)
(23) Le National du 2 juin 1912 (page 4, colonne 5)
(24) La Provence du 18 septembre 1961


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